Encore une fois, il se réveillait en sursaut. De grosses perles de sueurs coulaient le long de ses joues. Encore et toujours ce cauchemar… Celui qui le hantait depuis déjà de nombreuses lunes. Depuis, en fait, qu’il s’était installé dans le château d’un vieil homme gâteux, qu’il avait massacré, lui et ses quelques spadassins, avec une facilité déconcertante.
Sorrow était un homme très sombre. Il n’avait pas de famille, et personne ne connaissait son nom, peut être que lui-même l’ignorait. Ce surnom lui était venu de ce sentiment si puissant qu’il inspirait à tous ceux qui le croisaient. Il était triste, et sa tristesse était si grande qu’elle imprégnait tout à chacun. Ce personnage ne laissait pas indiffèrent. De par cet étrange aura, mais également d’une impression de puissance brute qu’il dégageait. Il était craint par tous, et cela expliquait sa vie solitaire, loin de tout contact humain.
Et un jour il décida de se lancer. Il sortit de sa réserve habituelle, et se rendit directement au château des environs, ou un seigneur d’un âge avancé régnait, en toute quiétude sur ces paisibles terres. Le guerrier ne fit qu’une bouchée des quelques gardes. D’un puissant coup d’épée, il découpa le premier en deux, au niveau de la taille, et assomma le deuxième garde d’un simple revers du poing. Une rage folle l’habitait, et une flamme rouge scintillait dans ses yeux. Mais sa tristesse était toujours là, encore plus grande, et renforcée à chaque cadavre. Une poignée d’homme défendait le faible seigneur, pas un ne survécut. Et le maître des lieux trouva la mort après avoir traversé la fenêtre du donjon. Sorrow venait de prendre possession du château, une nouvelle vie s’offrait à lui. Les serfs s’inclinèrent immédiatement devant sa rage, et il put commencer à développer son faible territoire. Sorrow fut un seigneur discret, car sa tristesse ne le quittait plus.
Il continua son entraînement, afin d’explorer plus en avant les étranges choses qu’il avait découvert. Car pendant la prise du château, il s’était sentit comme habité, ces forces décuplées, ainsi que ce mal de crâne à peine imaginable. Le plus étrange fut ces paroles, qui restèrent gravés dans sa mémoire. Il sentit chacun des morts l’appeler, et lui crier qu’il n’avait pas sa place ici, qu’il devait rejoindre le Royaume de Kräal. Et depuis, chaque nuit, il les entendait. Les morts lui parlaient, l’encourageait à entreprendre le voyage vers la Forteresse. Et en entendant le nom de Royaume, il sentait ses poils pousser, ses pupilles se dilater, et ses ongles pousser… Et il se voyait, courant dans les bois, à la poursuite d’une fillette ensanglantée. Il la rattrapait, et lui déchiquetait le visage. Il se dressait sur les restes, et hurlait à la mort. Ce rêve l’horrifiait…
Plus le temps passait, et plus se rêve revenait souvent. Et les morts, toujours plus nombreux, l’invitaient à rejoindre prestement le Royaume de Kräal. Après une nuit particulièrement agitée, il pris sa décision, et fit seller son cheval. Il irait à la recherche de cette cité mystérieuse le plus rapidement possible. Mais comment trouver un Royaume qui ne figure sur aucunes des cartes à sa disposition ? Il demanda donc des renseignements autour de lui. Mais il n’obtint aucune réponse, tous préféraient lui dire de renoncer à rejoindre cette destination maudite. Chemin faisant, il rencontra un vieillard, à qui il posa la question habituelle. Celui-ci le fixa, et Sorrow eut l’impression qu’il sondait le fond de son âme. Les yeux du vieillard étaient d’un rouge intense, et ils luisaient au fond de son capuchon. Celui-ci brandit alors une main velue, totalement décharnée et ornée de griffes d’une taille respectable. Sa voie s’éleva faiblement, telle une prophétie : «
Jeune guerrier, ta quête approche de sa fin, tu vas bientôt retrouver ton peuple. Suis ton instinct, il te guidera jusqu’au Royaume des Lycans, tes frères » Après ses paroles, l’homme se retourna, et d’un bond disparut dans la forêt. Sorrow n’en crut pas ses yeux, et demeura de longues minutes, bouche bée. Il décida de s’installer pour la nuit.
Cette nuit parut interminable. Son rêve revint, avec une intensité jamais égalée. Il ne tua pas qu’une seule fillette, mais une petite dizaine, ainsi que leur mère, leur père, et toute présence humaine qu’il détectait. Les morts étaient encore plus nombreux, et tous lui soufflaient les mêmes mots «
rejoins le Royaume de Kräal ! » A son réveil, il était épuisé, encore plus qu’avant de se coucher. A sa surprise, il éprouva une douleur dans le bras gauche, et retira la tête d’une flèche. Il poursuivit son voyage, avec en tête tous ces événements étrange. Il arriva au village voisin, qui, à sa grande stupeur était vide. Seul des cadavres, où plutôt ce qu’il en restait, était là. Un violent mal de crâne le prit alors. Il préféra ne pas s’arrêter plus longtemps, et poursuivit rapidement sa route, en direction de la forêt, forêt lugubre, qui paraissait ne pas avoir vu d’hommes depuis des décennies. Il marchait à travers les ronces, courbant la tête en espérant atténuer la douleur, quand celle-ci s’interrompit dans un dernier choc d’une violence extrême. Il releva brusquement la tête, et recula de quelques pas de stupeurs. Un énorme mur se dressait devant lui, percé d’une porte qui semblait être celle des Enfers. Mais les voix des morts le poussaient à franchir celle-ci. Les portes s’ouvrirent devant lui, lentement, avec un grincement de fin du monde. Sorrow tomba à genoux dès qu’il les eu franchit. C’était comme si ses forces venaient de l’abandonner. Et il sentait au fond de lui, qu’il venait d’accomplir sa destinée. Il se redressa, et se dirigea instinctivement vers un endroit reculé de la cité. Il entra dans un petit bureau, ou un homme à l’allure étrange l’attendait, derrière en petit bureau croulant sous les parchemins.
«
Présente toi homme, et dit moi donc ce que tu viens faire chez les Lycans !
-Je viens rejoindre ma patrie. Les mots étaient sortit tous seuls de la bouche de Sorrow. Tout en disant cela, il avait retiré son long capuchon, et l’homme comprit immédiatement.
-Suis moi»
Ainsi, toute la vie de Sorrow s’éclairait dans son esprit. Il venait de comprendre sa tristesse, celle d’un peuple rejeté de tous, mais craint et admiré par les plus grands guerriers de ce continent. Et c’est cette tristesse qui décuplait ses forces, et sa rage au combat. Il n’avait rein à perdre, et les morts le guidaient. Enfin Sorrow retrouvait sa place. A lui d’être digne de son clan, à lui maintenant de faire honneur à cet ordre, qui tente de faire éclater sa grandeur aux yeux de tous. Il serait toujours aux avants postes, et il le savait. Il lui restait encore à le prouver…