1ère Partie
Le vent soufflait dans les branches basses des arbres dénudés de l’automne. Abalon, le simple fermier, rajusta son col pour protéger son visage. Le temps virait à l’orage. Le ciel s’emplissait de nuages noirs et grondants, et déjà, au loin, la pluie tombait à grosses gouttes.
Devant lui s’étalaient ses vergers. Pommiers, poiriers et cognassiers s’alignaient en rangs sur toute la largeur de la colline et jusqu’en bas au bord de la rivière, là où se trouvait la limite de ses modestes terres. 3 petits hectares qu’il avait hérités de son père.
Abalon avait peur. Il savait que l’orage ne venait pas seul et qu’il entraînait la mort dans son sillage. Des bruits avaient couru au village sur une bande de pillards qui traversaient les plaines en quêtes de femmes et de sang. Une bande qui ne laissait derrière elle que des veuves souillées et des mares écarlates. Abalon, connu pour son optimisme et sa joie de vivre n’y avait d’abord pas cru. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il ne s’agissait que de racontars et de balivernes. Des sornettes auxquelles il ne fallait pas prêter attention.
Puis la rumeur sembla se rapprocher. On parla d’une bande dans le royaume voisins, puis dans le duché voisin, jusqu’au jour ou on lui apprit que la Baronnie de Buir, qui jouxtait la leur, avait été mise à sac.
Nombre de villageois préférèrent fuir plutôt que d’affronter une mort certaine. Abalon, lui, se dit que les bandits, dont il avait fini par accepter l’existence, finiraient par faire demi-tour ou bien passer à côté. Il pensait que sa chance légendaire le protégerait une fois de plus, comme lorsqu’elle avait épargné ses Arbres alors même que la grêle avait détruit les récoltes de toute la région.
Mais, en ce jour d’octobre, seul en haut de sa colline, il dût admettre qu’il s’était trompé. Loin là bas, sous un ciel d’encre, s’avançait en riant, la Mort elle-même…
Il allait devoir faire face pour la première fois de sa vie.